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Les frères et sœurs veillent les uns sur les autres

Publié le 5.03.2023

Lorsque leur mère est morte dans un accident de train près de la gare de Lalkuan, en Inde, il a fallu un certain temps à la police pour l’identifier et retrouver les trois jeunes enfants qu’elle avait laissés derrière elle.

Les voisins ont reconstitué l’histoire de la famille : abandonnée par son conjoint qui était alcoolique, la défunte était venue d’une autre ville et s’était installée près de la gare avec ses enfants.

La famille vivait dans une cabane de fortune tout près de la gare. Ils ont survécu grâce aux maigres revenus de la mère et des enfants qui vendaient des morceaux de plastique recyclables, de métal et de verre trouvés dans les poubelles.

Lorsqu’ils ont été retrouvés, le fils aîné, Vipin*, avait 7 ans, la cadette nommée Pinky* avait 4 ans, et le benjamin nommé Raj* avait 5 ans. Aucun parent proche ne s’est manifesté pour s’occuper d’eux ; l’autorité de protection de l’enfance les a donc placés en avril 2021 au village d’enfants SOS de Bhimtal.

Vipin, Pinky et Raj sur l’aire du jeux du village d’enfants SOS de Bhimtal, en Inde.

Les trois enfants étaient en état de choc. « Ils étaient inhabituellement silencieux et ne parlaient pas sans qu’on les interpelle » affirme leur éducatrice. « Ils restaient ensemble tout le temps. Ils ne se sentaient pas en sécurité à l’intérieur d’une maison, car ils étaient habitués à vivre dans la rue. »

Les enfants n’avaient jamais reçu d’attention et n’avaient jamais été pris en charge par des adules. Ils ont dû tout apprendre […]

Samiha Fazilat, éducatrice au village d’enfant SOS de Bhimtal

Environ 1,5 million d’enfants vivent dans la rue en Inde, selon Priyank Kanoongo, président de la protection nationale de l’enfance indienne. Parmi les raisons qui font que les enfants se retrouvent dans la rue, il y a l’extrême pauvreté, l’abandon, les familles dysfonctionnelles et la violence à la maison. D’autres facteurs sont le manque de logements, l’exode rural et les déplacements dus aux situations d’urgence. La vie de sans-abri implique l’exclusion sociale et annonce généralement un avenir sombre pour les enfants. Beaucoup sont exploités et abusés sexuellement, tombent dans la drogue et ne pourront prétendre à plus qu’un travail précaire et alimentaire, permettant à peine d’assurer leur subsistance.

La réadaptation d’enfants ayant vécu dans la rue nécessite des soins spécialisés. Ils ont été confrontés au pire de la part des adultes et ont du mal à accepter une nouvelle figure parentale, explique Samiha Fazilat, éducatrice au village d’enfants. « Les enfants n’avaient jamais reçu d’attention et n’avaient jamais été pris en charge par des adules. Ils ont dû tout apprendre, de l’utilisation des toilettes à la manière de manger en communauté. Lentement, grâce à nos bons soins et l’attention que nous leur avons portée, ces enfants se sont adaptés à leur nouvelle vie dans notre foyer ».

Anjali Kumari, une conseillère du village, a mené un travail de fond avec les enfants pour leur donner un sentiment de confiance et de sécurité. « Au fur et à mesure que la confiance se développait, le frère aîné a partagé avec moi les détails de la vie difficile qu’ils avaient eue avec leur mère dans la rue. Comment les gens les maltraitaient et qu’ils avaient appris à vivre en formant une unité pour se défendre les uns les autres », dit-elle.

Avant d’arriver au village d’enfants SOS de Bhimtal, les enfants n’étaient jamais allés à l’école. Pour les y préparer, un plan de développement a été mis en place au village. Ils ont bénéficié de cours de rattrapage. Les enfants ont dû accepter qu’il fût impossible qu’ils passent tout leur temps à jouer ou à se promener. Ils ont également dû apprendre à parler poliment avec les employés du village, les soignants et les autres enfants qui vivent avec eux.

Mes moments préférés, c’est quand toute la famille est à la maison pendant les vacances.

Vipin, frère aîné de Pinky et Raj.

Au bout d’un certain temps, Vipin a été envoyé en première année tandis que les deux plus jeunes ont été dirigés vers la maternelle, même s’ils étaient plus âgés que la plupart des autres enfants de leurs classes.

« J’adore aller à l’école et j’adore jouer au football », confie Vipin. « Quand je sortais pour ramasser des ordures, j’avais quelques amis qui jouaient au football avec des bouteilles en plastique. Maintenant, j’ai accès à un terrain de football et parfois, j’apporte même un ballon à la maison pour jouer avec Raj et Pinky.

« Mes moments préférés, c’est quand toute la famille est à la maison pendant les vacances. Lorsque quelqu’un nous rend visite et qu’il sonne la cloche, Raj commence à danser. C’est tellement drôle que toute la maison se met à rire et chaque visiteur est lui aussi pris d’un fou rire. Il arrive que nous sonnions la cloche quelques fois de plus, pour faire durer la danse et les éclats de rire », dit-il.

Le nom des trois frères et sœurs a été changé pour protéger leur vie privée*

© Photos : Pearl Sandhu

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