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La faim est plus réelle que le coronavirus dans les bidonvilles du Kenya

Publié le 15.04.2020

En Afrique de l’Est, le Kenya est le deuxième pays le plus touché par le coronavirus. Ecoles, commerces, restaurants et aéroports sont fermés depuis que le pays a enregistré un premier cas positif il y a plus de deux semaines. Un couvre-feu y est en vigueur. Walter Odhiambo, directeur de SOS Villages d’Enfants Kenya, s’est entretenu avec nos collègues de SOS Children’s Villages International sur la situation actuelle dans les bidonvilles de Nairobi. Son constat est alarmant.

Actuellement, comment vivez-vous au Kenya la crise liée au coronavirus ?
Le couvre-feu nocturne et la fermeture des commerces, hôtels, restaurants… ne sont que le début d’une spirale de chaos. Les personnes qui vivent au jour le jour ne peuvent plus trouver de travail. En même temps, les prix des denrées alimentaires ont grimpé car les agriculteurs qui livrent leurs produits en temps normal pendant la nuit ne peuvent plus le faire en raison du couvre-feu. Nous avons déjà eu les premiers soulèvements dans les bidonvilles car les personnes ne respectent pas les mesures préventives. (…) Quelqu’un m’a dit : « Je ne peux pas voir le coronavirus. Mais je peux sentir la faim. Et si je dois choisir entre du pain et du savon, je suis sûr de choisir le pain ! ». Jusqu’à peu, nous ne pouvions pas faire de test or le nombre des infections continue de grimper. Si nous pouvions tester et isoler complètement les personnes infectées et si nous avions assez de personnel médical, nous pourrions peut-être le réduire. Mais nous n’en avons pas les moyens.

Est-ce que cela veut dire que les conséquences économiques sont un problème plus grand encore que le virus ?
Il y aura une mauvaise combinaison avec un effondrement simultané des systèmes sanitaire et économique. Cela nous posera d’énormes problèmes. Les mesures de prévention ne s’appliquent pas aux personnes qui ont faim. Si je ne peux pas avoir accès à l’eau, comment pourrais-je respecter l’hygiène des mains ? Quand je suis coincé dans les limites d’un bidonville, comment pourrais-je m’isoler et garder mes distances ? Ici dans les bidonvilles les personnes sont justement en colère. Parce qu’elles ont peu de chance de se protéger elles-mêmes et, comme je l’ai dit, leur première préoccupation est de manger, c’est concret. Elles ne pourront adhérer aux mesures de prévention si nous ne les aidons pas à garantir leur survie quotidienne. Si le couvre-feu se renforce, il faudra moins de deux semaines avant que le pays ne plonge dans le chaos et que les gens soient dans la rue pour protester. Alors il sera aussi difficile pour nous de protéger les bénéficiaires de SOS Villages d’Enfants. Nous avons fait des provisions et constitué des stocks. Mais que se passera-t-il si nous sommes les seuls dans l’entourage à pouvoir encore prendre soin de nous-mêmes ? La pauvreté et le chômage ont déjà grimpé en flèche, qu’en sera-t-il dans trois mois ? Les courbes de l’infection ne sont qu’au début.

Quelles solutions avons-nous ?
Nous ne devons pas laisser tomber les gens maintenant. Nous avons promis de les assister. Nous distribuons en ce moment des denrées alimentaires aux familles des bidonvilles et vérifions si elles peuvent coudre des masques de protection avec leurs machines à coudre et si elles peuvent être payées pour cela. Cela pourrait résoudre deux problèmes. De plus, nous regardons si nous pouvons aider ces familles à faire du savon. Ce serait à la fois une source de revenus et une protection. Nous réfléchissons aussi à pouvoir utiliser nos écoles et centres de formation comme centres d’isolement supplémentaires. Nous préparons également notre clinique à Nairobi pour soigner des personnes infectées. Avec des fonds supplémentaires, nous pourrons aider des familles avec des prêts pour démarrer après la crise et les encourager par des conseils. Personne ne peut seul faire face à cette crise. Nous devons travailler ensemble dès à présent. Gouvernements, organisations, sociétés et chacun d’entre nous. Nous allons devoir improviser et avons besoin d’approches créatives. Mais nous devons agir rapidement et maintenant.

Photo: Kiarie Ann

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