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L’histoire de Nataliia, mère d’accueil en Ukraine

Publié le 18.12.2025

Il faut tout un village 

Animés par le désir d’aider les enfants, Nataliia et son mari sont devenus parents d’accueil en 2008. Ils vivaient dans un petit village de la région de Kherson, à l’est de l’Ukraine. Leurs propres enfants étaient déjà grands et avaient fondé leurs propres familles. Le couple estimait pouvoir accueillir d’autres enfants. 

« Sasha n’avait que huit mois quand il est arrivé chez nous », se souvient Nataliia, « et Zhenya avait deux ans. Au fil des années, d’autres enfants ont été placés sous notre protection, certains sont repartis vers d’autres formes de prise en charge. En 2019, ils étaient sept — ceux qui sont encore avec nous aujourd’hui. Nous avions aussi quatre petits-enfants qui venaient souvent nous rendre visite. » 

La vie au sein du foyer était dynamique, et les besoins des enfants nombreux et variés. « Nous recevions les allocations pour l’accueil familial, et de temps en temps, quelqu’un des services sociaux venait nous voir. Ils vérifiaient les conditions de vie, remplissaient les documents, et c’était tout. Nous gérions tout le reste en nous fiant à notre instinct et à notre expérience parentale. Ce n’est que maintenant que je réalise que cela n’aurait pas dû fonctionner ainsi. » 

La vie en fuite 

Le deuxième jour de l’invasion à grande échelle, le 25 février 2022, leur petit village a été occupé. « Nous avons déménagé dans un autre village, mais quelques jours plus tard, les Russes y étaient déjà. Nous avons de nouveau fui et nous nous sommes réfugiés dans un sous-sol pendant environ deux semaines. Il y faisait terriblement froid et les enfants sont tombés malades. Je suis sortie pour chercher des médicaments. En tournant au coin de la rue, j’ai vu de la lourde machinerie russe. Je me suis figée. Dès qu’ils sont passés, j’ai fait demi-tour et je suis retournée au sous-sol. Cette nuit-là, une énorme explosion s’est produite juste à côté de nous. Nous avons vu le grand cratère et nous avons compris que nous devions fuir. » 

À ce moment-là, leur village natal avait été repris par l’armée ukrainienne, ce qui leur a permis d’évacuer. « Nous sommes rentrés brièvement et j’ai contacté l’armée ukrainienne. C’était le 16 mars 2022. Ils nous ont dit d’être prêts à partir en 20 minutes. Nous avons empaqueté autant de notre vie que possible en 20 minutes et sommes montés dans un bus d’évacuation. Le trajet jusqu’à Mykolaïv s’est fait sous les bombardements. Nous chantions et essayions de faire rire les enfants pour les distraire. Ils étaient si épuisés et angoissés qu’ils ne réagissaient presque plus. » 

À Mykolaïv, les services sociaux leur ont proposé une évacuation vers l’Allemagne. Après de nombreuses démarches administratives et quatre jours d’attente, ils sont arrivés dans le sud de l’Allemagne, où ils sont restés deux ans. 

Loin de chez soi 

La vie en Allemagne était calme et paisible. Mais l’Ukraine leur manquait. « Pour les enfants, je pense que c’était plus facile », explique Nataliia. « Ils allaient à l’école, se liaient avec les autres enfants. En dehors de l’école, ils restaient surtout entre eux. 

Je leur cuisinais des plats ukrainiens aussi souvent que possible. Je faisais du pain tous les jours. Je voulais les maintenir en Ukraine à travers les odeurs et les saveurs du bortsch, des varenyky et des choux farcis. » 

Ces deux années ont été particulièrement difficiles car le mari de Nataliia, en raison de son travail, ne pouvait pas être en permanence auprès de sa famille. « Papa devait sans cesse aller et venir, il nous manquait beaucoup », confie Svetoslav, 11 ans. 

Pour compenser l’absence du père, Nataliia emmenait les enfants en pique-nique et en excursion. À chaque sortie, ils prenaient de nombreuses photos pour les envoyer à leur père. Aujourd’hui, leur maison n’est décorée que de ces photos d’Allemagne, car ils n’ont pas pu emporter celles de leur vie d’avant-guerre. 

« Le zoo en Allemagne est très beau », intervient Vova, 6 ans. « Mais les maîtresses en maternelle sont meilleures en Ukraine », conclut-il. 

« J’ai beaucoup aimé l’Allemagne », ajoute timidement Kyra, 12 ans. « Mais pour moi, l’Ukraine est mieux. Je voulais vraiment rentrer. » 

Le mal du pays 

« Je ne supportais plus la rigidité et la discipline en Allemagne », dit Nataliia avec un mélange de sourire et de tristesse. « J’ai failli sombrer dans la dépression. » Cependant, en tant que famille d’accueil, ils ne pouvaient pas rentrer en Ukraine sans l’autorisation des services sociaux. « Je suppliais notre ambassade tous les jours. » 

Trouver un logement adapté pour une famille d’accueil aussi nombreuse dans une région relativement sûre d’Ukraine représentait un défi supplémentaire. Nataliia a trouvé une solution grâce à un contact personnel. « Mon amie Valya est mère d’accueil dans le Village d’Enfants SOS de Brovary. Nous sommes toutes les deux originaires de la région de Kherson et nous nous connaissons depuis toujours. Grâce à elle, nous avons pris contact avec l’équipe du Village SOS qui nous a informés qu’ils pouvaient nous accueillir à Brovary. » 

Les autorisations ont finalement été délivrées. Le 1er juillet 2024, la famille est rentrée en Ukraine et s’est installée dans son nouveau logement au Village d’Enfants SOS de Brovary. « Nous sommes arrivés à Kyiv en train. Je me demandais comment nous allions rejoindre Brovary quand Alla, l’assistante sociale, nous a accueillis à la gare. Elle était venue avec un chauffeur et un minibus pour nous chercher. Mon cœur a fondu. C’était un accueil tellement chaleureux. Je n’imaginais pas que ce n’était qu’un aperçu de ce qui nous attendait. » 

Une nouvelle vie 

Ce soir-là, Nataliia et ses sept enfants sont entrés dans leur nouveau foyer : une maison à deux étages, avec quatre chambres et un vaste espace de vie commun. La maison était entièrement meublée, avec draps, couettes et serviettes soigneusement préparés. La cuisine était remplie de provisions pour les premiers jours, le temps de découvrir les environs et les commerces. 

Dans les jours qui ont suivi, les spécialistes du village leur ont rendu visite pour présenter les différents services destinés aux enfants et aux parents d’accueil. Ils ont profité de l’été pour évaluer le niveau scolaire des enfants, combler les lacunes et les préparer pour la rentrée. 

Les aînés, Zhenya (18 ans) et Sasha (17 ans), avaient terminé leur scolarité de 11 ans en ligne depuis l’Allemagne et souhaitaient poursuivre des études. Les spécialistes de la jeunesse les ont accompagnés dans leur projet : l’un est entré en formation d’ingénierie automobile, l’autre en technologie et design. 

Kyra (12 ans), Svetoslav (11 ans), Amina (10 ans) et Vlad (7 ans) ont été préparés avec succès pour les classes correspondant à leur âge. Le plus jeune, Vova, 6 ans, a eu la tâche la plus difficile : se préparer pour… la première année ! Il y est pourtant parvenu fièrement en déclarant qu’il « sait maintenant compter jusqu’à 300 ! » 

La vie de famille d’accueil 

La famille s’est désormais bien installée. Svetoslav et Kyra racontent qu’ils se sont rapidement fait des amis à l’école et dans le village. « L’aire de jeux est incroyable, et la forêt autour est magnifique », dit Kyra. 

« Nous vivons comme n’importe quelle famille : soirées cinéma, puzzles, mosaïques, chacun a ses tâches à la maison. Mais il y a quelque chose de fondamentalement différent », explique Nataliia. « Ici, nous bénéficions du soutien de spécialistes pour chaque aspect du bien-être des enfants. Avant, nous n’avions pas cela, et honnêtement, nous ne savions même pas que cet accompagnement était indispensable. 

Des soins médicaux comme les examens ophtalmologiques ou dentaires, avec lunettes et appareils fournis gratuitement, à l’orthophonie, au soutien scolaire et à l’accompagnement psychologique. Par exemple, Vova était très renfermé. Il ne parlait à personne, seulement à moi, et très peu. Après le travail avec l’orthophoniste, il ne s’arrête plus de parler », rit Nataliia. 

« Quand Zhenya est arrivé chez nous à deux ans, il mangeait tout sans mâcher et cachait de la nourriture. À l’époque, nous pensions qu’il se comportait mal. Aujourd’hui, nous comprenons qu’il a probablement connu la faim. 

Ici, nous apprenons à relier les comportements difficiles aux traumatismes passés, à savoir comment aider les enfants à les surmonter, toujours ensemble et en étroite collaboration avec les spécialistes. Ici, au Village d’Enfants SOS, nous voyons enfin comment le soutien aux familles d’accueil devrait fonctionner. » 

Le quotidien dans un pays en guerre 

La guerre reste omniprésente. Un an après leur retour en Ukraine, les alertes aériennes sont toujours quotidiennes. Comment la famille vit-elle avec cela ? « Les sirènes ne les affolent pas », explique Nataliia. « Ce sont les explosions qui les angoissent. Les premiers mois, nous nous rassemblions dans le salon, au centre de la maison, jusqu’à ce que le bruit cesse. Depuis que le Village SOS a construit un abri anti-bombes, notre sentiment de sécurité s’est considérablement amélioré. Nous respectons scrupuleusement toutes les consignes de sécurité. 

La guerre reste notre réalité. Nous sommes attaqués chaque jour. Aucun enfant ne devrait grandir en temps de guerre. Aucun parent ne devrait réveiller ses enfants pour courir à l’abri. Aucune famille ne devrait se demander si elle survivra à la nuit. 

Nous chérissons chaque instant passé ensemble. C’est un prix immense à payer pour vouloir vivre dans son propre pays. Mais aujourd’hui, c’est notre seule voie. Je souhaite à tous mes enfants un bel avenir et j’espère qu’ils vivront dans la prospérité et la paix. 

Malgré la guerre, malgré l’incertitude et les menaces quotidiennes, nous sommes tous heureux d’être ici, chez nous, en Ukraine », conclut Nataliia, ajoutant que, comme parent, elle trouve force et sécurité dans le fait qu’il y a littéralement tout un village pour l’aider à élever ses enfants.

Récit et photos : © Katerina Ilievska – SOS Children’s Villages

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