Fin mars 2020, 44 pays africains avaient signalé près de 3.300 cas et 90 décès causés par le COVID-19, une pandémie qui a vu plus d’un demi-million d’infections dans le monde depuis le premier cas signalé fin 2019.
Bien que l’Afrique compte actuellement peu de cas signalés par rapport aux autres pays durement touchés, notamment la Chine, l’Italie, l’Espagne et les États-Unis, les experts avertissent que cela pourrait pourtant marquer le début d’une rude bataille pour le deuxième plus grand et plus peuplé des continents.
« L’Afrique sera le continent le plus durement touché par l’impact de l’épidémie », déclare Senait Bayessa, directrice internationale de SOS Villages d’Enfants en Afrique orientale et australe. « De nombreux systèmes de santé africains, déjà confrontés à de nombreuses maladies, n’ont pas la capacité de répondre à une pandémie de cette ampleur », prévient Mme Bayessa.
La disponibilité des tests de dépistage, les capacités de dépistage à grande échelle, la mise en œuvre de mécanismes de prévention et les ressources pour le traitement des personnes infectées sont insuffisantes. En outre, le manque de mesures de sensibilisation à la prévention d’une infection peut rapidement entraîner le débordement des hôpitaux et des taux de mortalité élevés.
Au-delà des répercussions sanitaires étendues, l’épidémie pourrait paralyser des économies déjà en difficulté. De nombreuses mesures préventives prises par d’autres pays pour lutter contre la pandémie, comme l’éloignement social et le confinement, seront pratiquement impossibles à mettre en œuvre dans toute l’Afrique.
« Comme la plupart des familles africaines vivent dans la pauvreté et luttent au quotidien pour pouvoir se nourrir, il sera difficile pour elles de rester chez elles et d’éviter les contacts sociaux », déclare Mme Bayessa.
Le Dr Deqa Dimbil, médecin dans une clinique mère-enfant à Mogadiscio, en Somalie, fait écho aux préoccupations de Mme Bayessa. « Ce qui m’inquiète vraiment, ce sont les effets secondaires de la crise, la famine que la crise économique pourrait déclencher », dit le Dr Dimbil. « Sans importations, nous ne pourrons pas nous maintenir. Les prix seront astronomiques et une population déjà pauvre ne sera plus en mesure de subvenir à ses besoins ».
« Si l’on en arrive là » prévient le Dr Dimbil, « les décès liés au virus seront le moindre de nos soucis. »
Mme Bayessa fait remarquer que l’épidémie de COVID-19 pourrait constituer une menace particulière pour les familles et les structures familiales et avoir des effets néfastes sur les enfants. En Afrique, l’impact du VIH/SIDA a laissé un grand nombre d’enfants à la charge des grands-parents. Les personnes âgées étant plus vulnérables au virus, les enfants qui ont déjà perdu leurs parents pourraient maintenant perdre aussi leurs grands-parents.
« La propagation du virus pourrait entraîner davantage de séparations familiales, ce qui rendrait extrêmement difficile pour les gouvernements africains, les donateurs et les partenaires du développement de mettre en œuvre à temps des réponses pour les enfants touchés », prévient Mme Bayessa.
« Nous devons nous préparer au fait que des enfants vont perdre leurs parents », déclare le Dr Dimbil. « Ceux dont le système immunitaire est affaibli par des maladies comme le VIH/SIDA, le choléra ou le paludisme sont particulièrement vulnérables », explique-t-elle.
Parlant de la situation en Somalie, le Dr Dimbil avertit que les enfants aussi pourraient être en danger, car beaucoup sont mal nourris ou sous-alimentés et donc plus exposés aux infections virales.
Des mesures sont prises dans les Villages d’Enfants SOS à travers l’Afrique, dit Mme Bayessa. Elles comprennent une équipe de gestion de crise qui guide les efforts de préparation, de réponse et de réduction des risques au sein des programmes SOS et de ceux de la communauté. Les enfants, les adolescents et les mères qui vivent au sein des villages d’enfants apprennent à se laver correctement les mains et les maisons familiales sont équipées de désinfectants pour les mains, de gants et de masques. Une salle a été mise à disposition sur tous les sites pour mettre en quarantaine les enfants et les mères qui ont pu être exposés au COVID-19.
Pour faire face de manière efficace à l’épidémie, il faudra se concentrer sur les familles vulnérables, notamment celles qui ont des capacités financières limitées, un accès restreint aux établissements de santé et un manque de connaissances en matière de prévention. « Il faudra renforcer les efforts de tous pour soutenir les familles et les enfants les plus vulnérables de la société », déclare Mme Bayessa.
Publié le 30.03.2020