Le 12 janvier 2010, un effroyable séisme dont, plus de dix ans plus tard, les répercussions sont toujours palpables, dévastait Port-au-Prince. Plus récemment, le 14 août 2021 la terre a tremblé dans le sud-ouest, dans la région de Les Cayes. Par ailleurs, une crise majeure, politique, sociale et économique frappe de plein fouet ce pays qui, en 2022, a subi de manière exacerbée la terreur et la violence des gangs. Paralysie, insécurité et chaos règnent, une épidémie de choléra s’est développée et l’insécurité alimentaire s’aggrave. Active dans le pays depuis 1978, SOS Villages d’Enfants Haïti qui a toujours répondu à l’urgence en portant secours aux communautés les plus vulnérables, essaye dans des conditions difficiles de maintenir une partie de ses programmes communautaires. En octobre dernier, des collègues SOS témoignaient de cette terrible situation. Nous pensons à eux, aux enfants et familles qu’ils accompagnent, et espérons que la normalité reviendra vite pour que tous puissent vivre normalement en 2023. En ce mois de janvier, les enfants devraient reprendre enfin le chemin de l’école.
Ces derniers mois, Haïti a traversé une situation critique qui a rendu les défis des plus jeunes encore plus difficiles. Tico, 10 ans, rêve de devenir théologien, et pour cela il doit retourner à l’école. Mais son école à Les Cayes était fermée depuis juillet. Comme beaucoup d’enfants en Haïti, il ne pouvait y aller tant que la situation du pays n’est pas stabilisée. Les protestations contre la hausse des prix du carburant et la violence des gangs rendent la vie de plus en plus difficile.
Quand il avait trois ans, Tico a été abandonné au bord d’une rivière avec sa sœur ainée. Sept ans plus tard, il vit à Les Cayes dans une famille du village d’enfants. « Je me sens très bien et suis heureux d’être ici », confie-t-il. Toutefois, son plus grand vœu est d’être à l’école, lui qui raconte comment il a passé les derniers temps en jouant : « J’aime jouer avec mes camarades à des jeux d’esprit, aux dominos, aux cartes, aux dames et à bien d’autres jeux ».
Tico avec sa famille © Peter Anis
Avec les écoles fermées, SOS Villages d’Enfants a mis en place certaines activités pour aider les enfants à poursuivre leur apprentissage, explique Peter Anis, consultant en matière d’urgence pour SOS Villages d’Enfants en Haïti. « Les groupes que nous ciblons dans les communautés n’ont pas les ressources nécessaires pour suivre des classes virtuelles car ils n’ont pas accès à l’électricité ou à Internet. En ce qui concerne le programme éducatif, les enseignants assurent une présence pour le premier cycle et aident les enfants du deuxième cycle à se maintenir au niveau », souligne-t-il.
Le maintien des programmes pour les enfants a été un défi, précise Faymi Loiseau, directrice de SOS Villages d’Enfants Haïti. « Nos programmes sont vraiment affectés, nous ne pouvons pas donner les réponses que nous sommes supposés donner ». Pour Peter Anis, l’impossibilité d’atteindre les familles signifie qu’elles ne reçoivent pas l’aide dont elles ont besoin pour s’occuper de leurs enfants. « Les gens vivent un moment très critique avec la crise liée à la pénurie de gaz qui s’est aggravée ». La vie quotidienne dans les villages d’enfants a aussi été touchée par le taux d’inflation élevé, qui a fait grimper les prix de tous les biens. En octobre, les collaborateurs ne pouvaient toujours pas se rendre au travail en raison des barrages routiers et de l’agitation dans les rues.
Monsieur Anis résumait il y a deux mois la situation :
« L’éducation est vraiment importante dans la vie des enfants mais dans la situation actuelle, ils ne peuvent pas y avoir accès. Même l’enseignement virtuel n’est pas une option. Ils n’ont même plus un repas chaud garanti. Nous ne pouvons plus nous rendre dans les communautés, ce qui fait que ceux qui participent à notre programme de renforcement des familles ne reçoivent plus le soutien que nous leur apportons normalement ; leur situation était déjà précaire, elle se détériore ».
Pour l’instant, beaucoup de programmes ont été mis entre parenthèses jusqu’à ce qu’ils puissent de nouveau fonctionner normalement, mais même en sortant de la crise, les enfants seront toujours les plus touchés, déplore Peter Anis : « leur année scolaire est en danger, le premier trimestre académique est déjà perdu à cause des conflits sociaux ».